samedi 5 décembre 2009

L'intermédiaire Eydelie


Jean-Jacques Eydelie est à l'apogée de sa carrière, à 27 ans au terme d'une saison 1993, où il remporte le titre de champion de France et la Ligue des champions. Mais il se retrouve au cœur du plus gros scandale médiatico-sportif de l’histoire du football français, alors qu’il n’est qu’un pion, un intermédiaire au service des ambitions de la direction marseillaise. Cette affaire de corruption met un terme à sa carrière au plus haut niveau. Il est mis en examen le 27 juin 1993 pour « corruption active » dans le cadre de l'affaire VA-OM et condamné à une peine d'un an de prison avec sursis qui compromet sa carrière. Il reste 17 jours derrière les barreaux.


Eydelietole.jpg








Fin août 1993 il s’envole pour l’Argentine, avec l’aval du juge de Montgolfier. Il doit signer un contrat de trois ans avec le Boca Juniors de Maradona, son idole. Mais la FIFA étend sa suspension au Monde entier. Il rencontre tout de même el Pibe de Oro dans une boîte de nuit de Buenos Aires. Assis dans une arrière salle enfumée et entouré de jolies filles, Diego lui lance : "toi tu es un bon joueur, je te connais. Tu as gagné la coupe d’Europe et tu as battu le Milan AC. Il paraît que tu as trempé dans une histoire de matches truqués avec Burruchaga : quel coño celui-là, tomber pour 250.000 francs !".


De retour en Europe, le procès n’ayant pas encore été bouclé, Eydelie vit une année de suspension très difficile. Il se planque, évite les journalistes, change d’appartement toutes les semaines, le tout payé grassement par l’ancien président marseillais et servi par son factotum Marc Fratani. Tapie pense encore pouvoir s’en sortir dignement et tient à garder Eydelie à la bonne, afin qu’il ne balance pas son président.

En janvier 2006, l'Equipe Magazine publie une interview de Jean-Jacques Eydelie qui relance la polémique à propos de l'affaire VA-OM et des évènements de 1993. En février 2006, l'ancien joueur publie un livre qui s'intitule Je ne joue plus ! aux éditions de l'Archipel, dans lequel il décrit tout ce qu'il a vu durant ses 10 mois passés à l'OM (dopage, corruption, complot, argent sale…). Il est poursuivi en justice par Bernard Tapie pour diffamation. Le 9 février 2006, Bernard Tapie est débouté ; il fait appel de cette décision.

En mai 2009, Jean-Jacques Eydelie, 43 ans, attaque de nouveau ses anciens patrons et les sommités du foot hexagonal dans son second livre "Sale temps pour le foot". Celui qui se présente comme l’une des victimes expiatoires du « ballon rond made in france » vilipende dans l’ordre Bernard Tapie et Jean-Pierre Bernès, ses ex-employeurs de l’Olympique de Marseille (OM), ainsi que Jean-Pierre Escalettes et Frédéric Thiriez, en leurs qualités respectives de président de la Fédération française de football (FFF) et de président de la Ligue de football professionnel (LFP).


Quelques citations de Eydelie :

« Bernard Tapie et Jean-Pierre Bernès ! Les deux inséparables duettistes de jadis, ennemis aussi farouches à présent qu’ils étaient fidèles complices dans leurs belles saisons. Le cerveau et le bras. Armé quelquefois. C’est contre eux qu’est dirigée ma première plainte. »


"J’ai eu l’opportunité d’en faire un second car après avoir été honnête avec moi-même et avec ma famille pour le premier livre, je me devais d’aller au bout des choses sans passer non plus pour le chevalier blanc. Je me pose en défenseur passionné d’un sport qui m’a toujours fait vivre et qui m’a, malgré tout, donné beaucoup de joie. J’ai envie de dénoncer le peu de respect qu’on lui porte désormais. Aujourd’hui, il n’y a plus que des trafiquants, des usurpateurs, des tricheurs. Lorsque je dis « ils », j’incrimine évidemment les dirigeants qui ont perdu de vue les fondamentaux du foot. Sous couvert de prétendues évolutions, ils ne pensent uniquement qu’à faire de l’argent ! Bref, le football n’appartient plus du tout aux footballeurs. Or, ce sont les seuls qui peuvent lui redonner sa splendeur. Néanmoins, s’ils ne continuent qu’à penser à leurs gueules et à leurs seuls portefeuilles, sans se soucier de l’intérêt général, on ne pourra plus jamais revenir à l’essence même du jeu".


"Il sait très bien ce que je pense de lui. Didier Deschamps préfère garder le silence, c’est son droit le plus strict. Je note cependant qu’il n’a jamais porté plainte contre moi, ce n’est pas un hasard. D’autres anciens du club comme Basile Boli, Marcel Desailly ou Franck Sauzée avaient aussi menacé de le faire. Ils se sont pourtant vite ravisés. Deschamps sait que je sais tout sur ce qui s’est passé lorsque nous jouions ensemble. Lui aussi sait beaucoup de choses".


L'Olympique de Marseille


"Le dopage était organisé à l’OM. Depuis Tony Cascarino a confirmé mes propos... Chris Waddle aussi.


En tant que footballeur, tu témoignes que t’as connu le dopage partout, sauf à Bastia. “Partout“ ça veut dire même à Nantes, dans le “temple du beau football“ ?
Partout ! Quand il revenait du mondial, Burruchaga avait le cul comme une passoire ! Il était bombardé ! Mais comme l’équipe de France en 98 était bombardé aussi… Ils étaient tous dopés en 98. Tout le monde le sait… tous ceux qui font les émissions de radio, de télé... Même les soi-disant grandes gueules ! A la limite on dirait que tout le monde s’en fout... Quand Dhorasoo [en 2006] dit que Zidane s’absente 3 jours avant la finale, pourquoi ça n’intéresse personne ? En plus Zidane, lui, il pourrait le dire, tout le monde lui pardonnerait… ce que je peux comprendre à la limite… Quoique… non je comprends pas en fait.

Comment on reconnait un footballeur qui est dopé ?
Ses yeux, son comportement agressif, sa propension à péter les plombs... Imagine : mettre un coup de tronche en finale de coupe du monde ! Même moi j'aurais pas fait ça !


Le côté obscur du dopage, c’est la longue liste des décès troubles de footballeurs. Tu cites dans « Sale temps pour le Foot » le récent accident cardiaque de David Sommeil qui a failli y rester 1 .
Il y a aussi les “veuves du Calcio“, des épouses de joueurs décédés qui ont ouvert la boite de Pandore en Italie… C’est quand même bizarre que l’on trouve de plus en plus de cas de malformations cardiaques lors des visites médicales des joueurs… rappelle toi de Thuram… ou rien que cet été : Savidan stoppe sa carrière pour raisons médicales !




Y’a un bouquin de Declan Hill, "Comment truquer un match de Foot ?" Où l’auteur prétend que le huitième de finale 2006 Ghana-Brésil, a été acheté; témoignage de Stephen Appiah, capitaine ghanéen, à l’appui.
Je l’ai lu... Y’a aussi un journal espagnol [le quotidien ABC] qui a affirmé que des mafieux russes, arrêtés en Espagne, s’étaient vantés d'avoir "acheté" la Coupe de l'UEFA au bénéfice du Zenit Saint-Pétersbourg 2

S’il y’en a un qui a bien aidé Tapie a tombé de la falaise à l’époque de l’affaire VA-OM, c’est bien Arsène Wenger 3
Wenger en avait marre de constater que les matches étaient truqués, y compris les OM-Monaco ! Quand il en a eu l’occasion, il a donné un coup de bâton. Emmanuel Petit aussi a fait des déclarations dans ce sens, sur la corruption des matchs du championnat de France. Quand on jouait contre eux [l’AS Monaco], il y avait toujours deux ou trois joueurs de chez eux qui étaient achetés... Tu sais comment on les reconnaissait ? Ce sont ceux qui avaient les chaussettes relevées pendant l’échauffement (rirez).

Non ! (rirez)
Mais t’as vu où on en est ? On s’croirait dans un polar ! La justice a parlé : à l’époque, l’OM consacrait un million d’euros chaque saison pour acheter des matchs.

L’anecdote savoureuse, c’est la corruption au Standard de Liège…
(Rirez) Le coach de l’époque s’appelait Raymond Goetals. Et un des meilleurs joueurs du club était… Éric Gerets. Là où c’est une vraie histoire belge, c’est que le Standard n’avait même pas besoin d’acheter le match pour être champion ! Après cet épisode, Goethals est parti Portugal, Gerets à Milan.



Lorsque l’affaire VA-OM a défrayé la chronique, en 93, t’étais sur le point de signer à Naples…
J’avais 27 ans. Normalement, comme footballeur, c’est le début de tes meilleures années… je venais d’apprendre que je faisais partie de la liste pour l’équipe de France… Je suis reçu à Naples, ça se passe très bien, et puis l’affaire VA-OM prend de l’ampleur… et l’UEFA interdit à Naples de me recruter ! Par défaut ensuite ils ont pris Alain Boghossian… J’imagine qu’il devait y avoir un deal entre Naples et l’OM pour un joueur marseillais… Comme j’étais tricard en Europe, je suis parti en Argentine… au Boca Juniors, l’équipe de Maradona et du coach Menotti ! Le rêve… brisé par la FIFA, qui interdit le transfert ! Faut croire que la FFF est quand même puissante ! Imagine : la justice m’a donné 18 mois de sursis, la FFF deux ans fermes. Elle m’a désigné coupable avant que la justice ne m’est jugé.

Et la rencontre avec Maradona ?
J’ai vu Dieu. Mon Dieu à moi existe... Il m’a dit qu’il savait qui j’étais, il m’a dit aussi que Burruchaga était con, il trouvait minable qu’un champion du monde se soit fait acheté pour quelques “dollars“ comme il disait... Le Boca, son stade, son public : c’étaient comme Marseille, j’étais fait pour ça…


Question de novice : qu’est ce que ça peut poser comme problème lorsqu’un agent de joueur devient président de club ?
Si tu veux on peut aussi imaginer que ce président se fasse virer par exemple (rirez)… Dans le cas de figure que tu décris, le président de club fait venir son réseau de joueurs et arrose différents intermédiaires, chacun touche sa commission. Il enrichit son réseau….

Si je comprends bien le départ de Diouf et l’arrivée de Deschamps à l’OM, c’est le résultat d’un bras de fer remporté par le réseau de Jean-Pierre Bernès…
C’est ça. De toute façon le Foot et son business ont toujours été sous tutelle à Marseille… Le Milieu le tue. Et les agents étendent leurs réseaux : regarde Alain Migliaccio qui travaille en étroite collaboration avec Bernès, Zidane lui ramène Ribéry, Nasri, par exemple, un autre joueur… Ils tissent leur toile.

Quand tu parles de “milieu“, tu sais que ce mot est connoté, on peut comprendre “mafia“.
Je parle de la mafia.


1/ En août 2008 David Sommeil, 34 ans, est victime d'un malaise cardiaque durant une séance d'entraînement avec Valenciennes… Il tombe dans un coma profond durant 15 jours, sa carrière de footballeur est définitivement terminée. Début 2009, Sommeil entre en conflit contre la sécurité sociale qui refuse de qualifier d'accident du travail son malaise cardiaque

2/ Selon ABC, Gennadios Petrov, chef de la puissante organisation mafieuse russe "Tambovskaya", et un des ses adjoints ont affirmé, lors de communications téléphoniques interceptées, avoir mobilisé entre 20 et 40 millions d'euros pour "acheter" la demi-finale et la finale de l'épreuve.


3/Wenger s’est confié en 2006 à L’Equipe à propos des années Tapie à l’OM : «J'avais essayé d'alerter. Pour qu'on fasse attention. Je ne pouvais rien prouver, regrette l'actuel entraîneur d'Arsenal. C'était très dur. À l'époque, on vivait dans le sentiment de la corruption et du dopage. Il n'y avait rien de pire que savoir que les dés étaient pipés.»
Wenger va jusqu'à reconnaître qu'il a été troublé par des failles visibles dans l'engagement de certains de ses joueurs. «J'ai eu des doutes et j'en ai fait part à certains d'entre eux. (...) Ce n'est même pas la peine de lever le pied. Il suffit de tirer un corner un mètre un peu plus à gauche ou un peu plus à droite, de ne pas être très bien placé. Ça suffit et on peut même donner l'impression de faire un bon match par ailleurs.»
Au début des années 90, Arsène Wenger avait déclaré qu'il était impossible d'être champion de France contre Marseille. «C'était une équipe magnifique, avec des joueurs exceptionnels. Elle aurait pu se faire un palmarès sur ses seules qualités» regrette-t-il aujourd'hui.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire